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03/02/2025

La servitude de cour commune, une notion fondamentale en droit de l’urbanisme

Découvrez comment la servitude de cour commune transforme l'urbanisme et ses enjeux : un mécanisme méconnu aux impacts juridiques et pratiques parfois décisifs.

servitude de cour commune

La servitude de cour commune, bien que méconnue, constitue un mécanisme juridique essentiel en matière d’aménagement urbain. Rétrospective historique, définition juridique, modalités de constitution et effets, BARNES Côte Basque vous propose dans cet article une analyse complète de ce dispositif.

Origines historiques et cadre juridique

La servitude de cour commune est ancrée dans l’histoire législative française depuis la fin du XIXe siècle. Son cadre juridique actuel repose sur les articles L. 471-1 à L. 471-3 et R. 471-1 à R. 471-5 du Code de l’urbanisme. Elle a été introduite par le décret du 4 décembre 1958, lui-même pris en application de la loi du 7 août 1957, dans un objectif d’amélioration des conditions de salubrité et d’aération des habitations.

Malgré l’expression « cour commune », cette servitude ne confère aucun droit indivis sur l’espace concerné. Elle ne présuppose ni l’existence d’une cour, ni d’un espace commun. En pratique, elle s’applique le plus souvent sur des terrains privés appartenant à des propriétaires distincts.

Objectifs et portée de la servitude

La servitude de cour commune vise à garantir des espaces non bâtis entre les propriétés pour préserver une certaine distance entre les constructions. Cette règle, justifiée initialement par des préoccupations de salubrité, est aujourd’hui également motivée par des enjeux urbanistiques et architecturaux.

Elle permet :

  • D’assurer un prospect réglementaire entre les constructions, conformément aux exigences des plans locaux d’urbanisme (PLU).
  • De reporter la limite séparative effective, permettant ainsi aux propriétaires d’optimiser l’utilisation de leurs terrains.

Ainsi, une servitude de cour commune interdit de bâtir ou limite la hauteur des constructions sur une portion définie d’un terrain, souvent en complément des règles d’urbanisme en vigueur. Cela s’avère particulièrement utile dans les zones urbaines anciennes où la densité parcellaire complique l’implantation de nouvelles constructions.

Nature juridique et modalités de constitution

1. Nature de la servitude

La servitude de cour commune est une servitude de droit civil, instituée en faveur d’un fonds dominant au détriment d’un fonds servant. Elle peut être qualifiée de servitude « non aedificandi » (interdiction de bâtir) ou « altitudinis » (limitation de hauteur).

Cette servitude est régie par l’article 686 du Code civil, qui autorise les propriétaires à établir des servitudes sur leurs propriétés pourvu qu’elles ne contreviennent pas à l’ordre public.

2. Modes de constitution

La servitude de cour commune peut être instituée :

  • Par convention : Les parties concluent un contrat précisant les modalités d’application de la servitude. Ce contrat doit être rédigé avec soin et publié au service de publicité foncière pour être opposable aux tiers.
  • Par décision judiciaire : À défaut d’accord amiable, un juge peut imposer une servitude, notamment lorsqu’elle conditionne la délivrance d’un permis de construire. Une indemnité est alors souvent accordée au propriétaire du fonds servant.

Effets et application pratique

1. Impact sur les règles d’urbanisme

La servitude de cour commune modifie les règles de prospect en déplaçant virtuellement la limite séparative. Cela permet, par exemple, de réduire la distance minimale exigée entre une construction et une limite de propriété, en intégrant la portion grevée de la parcelle voisine dans le calcul. Toutefois, elle ne permet pas de déroger aux règles relatives aux voies publiques ou aux implantations sur un même terrain.

2. Contraintes sur le fonds servant

Une fois la servitude instituée, toute construction sur la portion grevée est interdite, sauf exceptions telles que des plantations ou des constructions souterraines. En cas de non-respect, les sanctions peuvent aller jusqu’à la démolition des ouvrages, comme l’illustre un récent arrêt de la Cour de cassation (28 mars 2024, n° 22-13.993).

3. Durée et extinction

La servitude de cour commune est de nature perpétuelle, sauf renonciation expresse par le bénéficiaire ou annulation par le juge en cas d’inexécution. En outre, si aucune construction n’est réalisée dans l’année suivant l’institution de la servitude, cette dernière peut être rapportée, conformément à l’article L. 471-2 du Code de l’urbanisme.

La servitude de cour commune face à la jurisprudence

La jurisprudence a précisé les conditions d’application et les limites de la servitude. Notamment, le Conseil d’État (13 mars 2013) a affirmé que les règles d’implantation des constructions doivent tenir compte de l’existence d’une servitude de cour commune lorsque celle-ci est prévue dans le document d’urbanisme applicable.

Par ailleurs, les juges exigent que la convention instituant la servitude soit claire et précise. Une imprécision dans le contenu peut entraîner des litiges, et des écarts par rapport au plan initial ont déjà conduit à une condamnation pour non-respect des termes de la convention dans de précédentes affaires.

Pour conclure

La servitude de cour commune constitue un outil précieux dans la gestion des contraintes d’urbanisme, en offrant des solutions adaptées à des configurations foncières complexes. Toutefois, sa mise en œuvre nécessite une rédaction rigoureuse et une compréhension fine des règles d’urbanisme applicables. Propriétaires et praticiens du droit doivent donc s’appuyer sur une expertise solide pour tirer pleinement parti de ce dispositif tout en respectant ses impératifs légaux.